2'50.214'' est un projet photographique réalisé du 24 novembre 2017 au 23 novembre 2018 : une photo par jour pendant un an



26 novembre


Ça fait quelques jours que j'ai ce nouvel appareil photo. Quelques jours que je l'ai toujours avec moi, dans une poche ou dans un sac.
Trois jours en fait.
Et ça fait trois jours que je prends des photos au quotidien. Mais pour combien de temps encore ?
Un mois ?
Une saison ?
Un an ?

Un an ce serait bien.

Mais c'est long un an. Et d'expérience... Début, progrès, premières difficultés, encore des progrès, puis lassitude.
Et enfin, l'abandon.

Allez, je peux essayer tout de même. Une démarche, une expérience, un exercice... un principe ! Un principe c'est bien, ça touche aux valeurs. Et à l'honneur.
Mais, je me connais, un principe qui aura duré trois jours lorsque, demain, j'aurai oublié de prendre une photo.

15 janvier


L'hiver est là. Paris est grise. Ou noire.
Depuis quelques jours je n'ai que très peu de prises de vues en journée. Pourtant prendre des photos la nuit me plaît, mais à la longue... Et moi qui voulait travailler en couleurs ! Je me retrouve contraint au noir et blanc.

Au noir et gris


Il y a ce cinéma à côté de chez nous. Je marche devant, chaque soir. Partie du quotidien. C'est pourtant là que se trouve ce que je cherche :

Des couleurs, Paris ville lumière.
Même en plein hiver.

2 mars


Certains soirs, en sortant du boulot, le ciel est flatteur. Parfois orange, rouge ou jaune. Ce soir il est rose et bleu. Vif.
Je cherche donc un plan, un cadrage.
Quelque chose qui change. Car j'ai souvent photographié en fin de journée, dans ce quartier. Mais ce soir je ne trouve rien qui m'aille.

Avant de pénétrer totalement dans cette station de métro, je me retourne. Le ciel est inchangé. Et puis il y a cet arbre.
Nu dans l'urbain.
C'est ici.
Mais pas suffisant.
J'aime faire figurer les gens qui occupent les lieux. J'aimerais qu'un homme passe, avec un chapeau. C'est de saison, car il fait encore frais.

Alors j'attends.

Quelques personnes prennent cet escalier. Mais ni dans mon cadre, ni à la bonne allure. Cela me laisse l'opportunité d'ajuster ma position, ainsi que les paramètres de prise de vue sur mon appareil photo.

Le voilà. Il descend les marches. Avec hâte. Mais je suis prêt. Je l'ai. C'est parfait pour moi.
Ah non. Les teintes du ciel ne sont plus aussi vives que tout à l'heure.
Tant pis.

9 juin


Je me promène. Depuis quelques jours j'ai passé la mi-parcours dans cette aventure. Je considère donc que le plus dur est fait. Enfin...

...certainement juste le plus long.

Peu importe.

Aujourd'hui j'ai attendu ce cycliste. Il passe. Le cliché est pris et j'en suis très satisfait.
Je peux poursuivre ma promenade l'esprit libre. Il est tôt et j'ai donc devant moi l'opportunité de décider où je souhaite me rendre pour profiter du reste de la journée.

Pour l'intérêt du lieu, et non son attrait photogénique.

Demain est une nouvelle mission. Profitons d'ici là. En continuant ma marche, je me rends compte du poids de cette performance. Qu'importe, je suis globalement satisfait. Et, comme avec la photo d'aujourd'hui, j'estime que certaines images valent à elles seules les contraintes de l'exercice.


D'autres journées ont pu être nettement moins satisfaisantes.
Un peu comme un vin. Avec ses millésimes réussis. Et ceux perfectibles.


S'il faut se justifier, je dirais que les facteurs externes sont prédominants.
Un temps favorable est déterminant pour la réussite d'une cuvée.
Celle d'une photo nécessite un temps suffisant.
Je manque parfois de temps.
C'est le jeu.

6 août


Entre Capurgana et Sapzurro.

Cette seule phrase illustre le fossé entre ces semaines passées en Colombie et le reste de ma démarche. Mais faut-il mettre le doigt là-dessus ?

C'est chose faite.

1er septembre


J'ai perdu certains repères.
M'éloigner de Paris m'a fait du bien. Mais j'ai du mal à reprendre ma démarche. Depuis quelques jours je ne parviens plus à intégrer les gens dans mes photos. Pourtant je n'ai pas fait face à cette difficulté lors des dernières semaines passées à l'étranger.

Sommes-nous plus légitimes, loin de chez nous, pour photographier les individus ?


C'est certainement plus simple oui.


Mais pas justifié.
J'ai déjà hésité et connais bien ce sentiment. La vie en société, dont on apprend les règles, nous contraint à ne pas entrer dans la sphère intime de l'autre. Je ressens chaque jour les frontières de ces sphères. Propres à chacun. Et de tailles variables.
Mais je ne dois pas m'arrêter à ça. D'expérience je sais qu'il est toujours possible d'inclure l'individu dans mes photographies. Sans un mot, car seul un regard suffit.
À l'origine de ce défi j'avais la conviction que je serai confronté à une ou plusieurs situations de conflit.
Un homme. Seulement. Lui-même photographe.
Nous avons discuté, il souhaitait comprendre la démarche. Bien qu'il m'ait encouragé il ne souhaitait pas figurer sur la photo que je venais de prendre.

Je dois réintégrer les individus dans ma démarche.
Demain peut-être.

13 novembre


La ville est un décor. L'individu un acteur.
La scène se crée par leur interaction.
Je suis le spectateur d'un acte unique, joué en impro.


Affiches
Graffitis
Éclairages
Leurs créateurs sont les scénographes.

J'aime l'urbain et son esthétique. Sa dimension théâtrale. J'aime ce qui s'y joue chaque jour, chaque soir.